Depuis septembre 2017, les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont plafonnées par un barème fixé à l’article L1235-3 du Code du travail.
Ces indemnités ne sont pas dues à l’occasion de chaque licenciement, mais uniquement lorsqu’un salarié est licencié sans aucun motif légitime.
Elles doivent donc tout à la fois avoir un effet dissuasif et indemnitaire (réparer le préjudice créé au salarié du fait d’une rupture injustifiée).
Ces deux objectifs sont rappelés à la fois par l’Organisation International du Travail et par la Charte Sociale Européenne.
Or, les textes internationaux ratifiés par la France doivent prévaloir sur les textes nationaux.
Plusieurs Conseil de Prud’hommes, dont très récemment celui de Paris, ont décidé de ne pas appliquer le barème d’indemnisation en cas de licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, dit « barème MACRON ».
Cons. prud’h. Troyes 13-12-2018 n° 18/00036, Cons. prud’h. Amiens 19-12-2018 n° 18/00040, Cons. prud. Lyon 21-12-2018 n° 18/01238,
Parmi ces décisions, celle rendue par le Conseil de Prud’hommes d’Agen le 5-2-2019 (Rg, n° 18/00049) nous semble plus intéressante car elle a été rendue en formation de départage.
En l’espèce, la Formation de départage du Conseil de Prud’hommes d’Angers retenait les arguments suivants pour écarter l’application du barème
« Madame sollicite que soit déclaré inapplicable le plafond de l’article L.1235-3 du Code du travail en raison de son inconventionalité, notamment avec l’article 10 de la Convention n°158 de l’O.I.T. sur le licenciement, ratifiée par la France le 16 mars 1989, qui dispose que si les tribunaux arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié et qu’ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.
Elle invoque également l’article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la France le 7 mai 1999, ayant valeur de traité international, qui dispose que les parties s’engagent à reconnaître le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.
En l’espèce, il apparaît que la SARL employait moins de 11 salariés et que Madame avait une ancienneté dans l’entreprise inférieure à 2 années au moment de la rupture de son contrat, de sorte qu’elle ne pourrait prétendre selon l’article L.1235-3 du Code du travail qu’à une indemnité comprise entre 0,5 mois et 2 mois de salaire brut, malgré les circonstances de la rupture de son contrat de travail et le préjudice moral et économique qu’elle a subi.
Il en résulte que le barème établi par l’article L.1235-3 du Code du travail ne permet pas dans tous les cas une indemnité adéquate ou une réparation appropriée, ne prévoyant pas des indemnités d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur et pour compenser le préjudice subi par le salarié.
Il sera au surplus observé que les exceptions au plafonnement énumérées à l’article L. 1235-3-1 du Code du travail ne concernent que les cas de discrimination ou de harcèlement, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
L’application des dispositions de l’article L.1235-3 du Code du travail sera en conséquence écartée et il sera alloué à Madame la somme de 3 045,12 €, correspondant à 4 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. »
Ce Jugement permet également de rappeler que l’application du barème affecte particulièrement les salariés ayant une forte ancienneté et ceux ayant de faibles rémunération, notamment les salariés à temps partiel.
Dans ces situations comme dans d’autres, une application pure et simple du barème ne permet ni de réparer le préjudice causé aux salarié, ni d’avoir d’effet dissuasif sur les employeurs.
Pour atteindre les objectifs fixés dans les conventions internationales, les Juges doivent donc passer outre le barème fixé à l’article L1235-3 du Code du travail.